Michel Raji est danseur Chorésophe.
Propos recueillis par Cathy Riou Piquet

Michel Raji &Pascal Delhay, « Les Noces du Capricorne », Les Entrepôts du Théâtre 2 l’Acte, 1996. Photo Bruno Wagner.
Être en présence de Pascal Delhay et Michel Raji, c’est entrer dans une temporalité qui n’existe que par l’alchimie mystérieuse de leur présence.
« Dans la société actuelle on parle «autour» , alors que la véritable démarche artistique nous amène vers le cœur des choses ».

« Les Noces du Lion », Michel Raji & Pascal Delhay, 2008.
Ces deux compagnons d’âme se retrouvent, échangent leurs pensées, rient et démontent allègrement les idées reçues. Entre ces 2 personnes, il y a une joie réelle à se retrouver et à redonner, par leur présence pétillante, une Aura à la fois légère, intérieure et profonde aux moments partagés.

Duo » INTIME COMBAT », Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse 2017. Photo Bruno Aptel @Tous droits réservés.
Extrait :
Extrait de » INTIME COMBAT », Duo Pascal Delhay & Michel Raji. Conception Pascal Delhay. Université Jean Jaurès Toulouse, 2017.
INTIME COMBAT est un duo de et avec Michel Raji, chorésophie et mise en souffle & Pascal Delhay, mise en scène, scénographie, bande son et lumière. La première aura lieu à l’université Jean Jaurès à Toulouse le 18 mai 2017 à 20h. Cet extrait est un avant goût en avant première de l’intime combat à venir. Pourquoi ce titre ? Intime car secret, de l’ordre de la confession, de la révélation. Combat car toute véritable révélation voit le jour après un long corps à corps avec les forces qui nous animent et nous remuent. INTIME COMBAT est une Danse de l’âme pour un monde en sursis, qui ne croit plus, mais décroît ; c’est un rituel intemporain pour ranimer la foi en l’être, c’est un présent en offrande à la vie, une re-connaissance des forces qui nous meuvent et nous é-meuvent. Un hymne à la beauté sauvage d’un univers en mouvement qui nous fait naître, une célébration de l’instant présent. Ce duo fait suite aux deux premières rencontres autour des Noces, celles du Capricornes (Théâtre Garonne-1995) et Les Noces du Lion (Le Ring-2009). Ainsi que du spectacle autour du poème « Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien » de René Depestre. » Pascal Delhay.
Pour Pascal, Michel n’est pas un danseur contemporain mais un artiste intemporel. Loin des modes et des tendances actuelles, il a nommé la pratique de sa danse « Chorésophie », enracinée dans la terre du Maghreb, à la fois archaïque et transcendante.

Michel Raji dans « INTIME COMBAT », Duo avec Pascal Delhay, CIAM Université Jean Jaurès, Toulouse 2018. Photo François Rigal.
« INTIME COMBAT 1, un Rituel Intemporain ». Duo de et avec Pascal Delhay & Michel Raji, La Fabrique, Université Jean Jaurès à Toulouse, commande du CIAM, Déc 2018 .
INTIME COMBAT 1 est un rituel Intemporain. Une Danse de l’instant qui remonte aux origines. Elle prend sa source dans tous les grands courants mystiques de l’humanité. La spirale est son élan et son achèvement. Intime car secrète, de l’ordre de la confession, de la révélation. Combat car toute véritable révélation voit le jour après un long corps à corps avec les forces qui nous animent et nous remuent.
Pascal Delhay
Pascal et Michel se sont rencontrés à Vittel sous l’égide d’Arlette Gilles en 1979. Michel avait été invité par Arlette pour présenter un solo rituel, tandis que Pascal pour sa part faisait ses premiers pas en Danse.
Puis, sans se concerter, ils se sont retrouvés à Toulouse au tout début des années 80. Leur collaboration date de cette période-là. Michel a invité Pascal, pour un spectacle autour de la Quête du Graal, donné avec Isabelle Lefèvre, Véronique Falanga et Plume Fontaine à la Halle aux grains. Ce fut la première pierre de leur collaboration.
Michel était, et reste, une référence pour Pascal, même si leurs démarches sont radicalement différentes. « Je crois aux opposés complémentaires »dit Pascal ; en effet il n’y a pas plus dissemblables que ces deux êtres, en apparence seulement. Ce qui les distingue c’est la forme que prend leur danse respective. Mais quand ils sont ensemble, ils parlent la même langue.

« INTIME COMBAT » P.Delhay & M. Raji, Université Jean Jaurès , Toulouse
2018. Photo François Rigal @Tous droits réservés.

« Un Arc-en-Ciel pour L’Occident Chrétien » M. Raji & P. Delhay, 2008. Photo Carole Duffard. Tous droits réservés.
L’Un, Michel Raji, a toujours été un et indivisible dans sa démarche, alors que l’Autre, Pascal Delhay, a cherché sa voie intérieure dans toutes les directions qu’offrent les possibles de la représentation, jusqu’à découvrir l’ensemble des personnages qui l’habitent.

« INTIME COMBAT » P. Delhay & M. Raji, Université Jean Jaurès , Toulouse 2018. Photo François Rigal @ Tous droits réservés.
Michel, lui, a toujours senti que Pascal avait « cette dimension de la transe » et que petit à petit il fallait la rendre lucide et de là translucide.

« Les Noces du Lion » Pascal Delhay ( à droite) & Michel Raji ( à gauche)
Toulouse 2008. Photo P. Paredes @Tous droits réservés.
A force de puiser et de descendre en soi on touche une dimension profonde, une clarté intérieure, « on épuise la temporalité pour arriver à l’intemporalité » Une danse à la fois « dionysiaque et apollinienne, lunaire et solaire » qui provoque la maîtrise du souffle, active la circulation du sang et permet alors d’atteindre la verticalité qui « traverse la transe ».

« JE SUIS UN AUTRE » P. Delhay & M. Raji, CIAM Université Jean Jaurès, Toulouse, 2017.
Photo François Rigal @ Tous droits réservés.
Ils arrivent à un moment charnière où ils atteignent ensemble une confiance et une harmonie absolue comme « deux entités qui sont dans leur propre unicité et non plus dans la problématique d’un duo à construire en complémentarité. «
« Ce sont deux UN qui font un TROIS et non un 2« .
Tous deux ont la même conception de la danse, une présence immédiate de l’être. Ils partagent une « approche instinctive et intuitive du mouvement et de l’espace-temps, cet entre-deux qui permet de créer autre chose que deux solos côte à côte et qui permet à chaque interprète d’être beaucoup plus créatif et créactif ».

Pascal Delhay dans « INTIME COMBAT », duo avec Michel Raji. Université Jean Jaurès , Toulouse 2018. Photo François Rigal @Tous droits réservés
Leurs Rencontres :
- « La quête du Graal », Halle au Grain, Toulouse, invitation de Michel Raji.
- Premier duo « Les Noces du Capricorne » donné en 1995 au théâtre Garonne et au festival d’Avignon.
- « Les Noces du Lion » en 2008
- « Un arc en Ciel pour l’occident chrétien », sur des poèmes de René Depestre, 2009.
- « Intime Combat », en 2017 puis 2018 , Université Jean Jaurès, Toulouse.
Tous les spectacles ont été produit par la Compagnie KLASSMVTE dont Pascal Delhay est le fondateur et chorégraphe depuis 1986.

« Un Arc en Ciel pour l’Occident Chrétien », P. Delhay & M. Raji, 2009. Photo Carole Duffard@Tous droits réservés.
« Un Arc en Ciel pour l’Occident Chrétien » P. Delhay & M. Raji, Conception Pascal Delhay. Espace Roguet Toulouse, 2009.
Extrait capté sur le vif de « Un Arc-en-Ciel pour l’Occident Chrétien », 2009. conception Pascal Delhay. Duo Michel Raji & Pascal Delhay. Espace Roguet Toulouse .
- « Intime combat » 2018

« Intime Combat », Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018.
Photo Bruno Aptel. Tous droits réservés.
Ces trois dernières rencontres ont eu lieu à l’initiative de Pascal. C’est en effet sur sa demande que Michel honore de sa présence bienveillante les invitations qu’il lui propose. Pascal se chargent des aspects techniques et créatifs de la forme que l’évènement prendra : lumières, musiques, scénographie, car il connaît d’instinct les besoins et les aspirations de Michel, qui reste bien entendu seul responsable de sa Danse.
Le parcours créatif de Pascal Delhay a basculé vers une libération du mouvement « comme il vient et non comme il est mémorisé », dans sa quête d’une danse authentique en adéquation profonde avec son espace intérieur.
Il s’agit maintenant de communion entre eux et non pas de communication.
Le parcours de Pascal Delhay s’est nourri de la présence de Michel Raji. Pascal reconnaît volontiers l’importance de l’exemple que donne Michel, par la confiance et l’autorité qui se dégagent de son rayonnement dansant.
Pour Michel, danser est absolument naturel, aucun doute ne le traverse sur sa dimension existentielle. Pascal par contre, a traversé des épreuves quant aux questionnements de sa propre présence en Danse, c’est pourquoi son cheminement découle de nombreuses métamorphoses qui ont dérouté plus d’une fois les programmateurs. Disons que Michel a l’assurance d’une sorte de « filiation donnée de naissance » acquis par ses racines orientales, alors que Pascal a dû se battre avec lui-même et la société du spectacle pour devenir et retrouver ce qu’il a toujours été.
Arrivés à cette complicité profonde, il est évident que ces deux artistes ont énormément de points communs. C’est d’abord leur désir incessant d’être vrais, authentiques et fidèles avant tout à eux-mêmes dans l’inspiration du moment présent.
« On arrive très rarement à capter l’essence de ce qui a fait la vie et la jouissance de la forme inventée sur le moment. Il y a toujours un décalage entre l’expérience de la danse et ce qui en sera dit ou gardé après. »

« Intime Combat » Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018. Photo Bruno Aptel. Tous droits réservés.
Le véritable être de Pascal Delhay est dans sa danse. Ailleurs il se sent enfermé dans des rôles préétablis à l’avance. « Rester dans un lâcher prise absolu » est sa priorité. Une fois l’agitation et « le cœur apaisé » il n’a plus besoin maintenant, contrairement au passé, de se préparer longuement avant d’entrer en scène.
Michel Raji, lui, a tout de suite été dans le « kaïros », l’essence du moment sans artifice, l’éternité de l’instant. Au fur et à mesure de leurs rencontres, ils ont trouvé la même dépossession, la même acceptation et la même reconnaissance face à l’énergie vitale qu’ils expriment dans leur danse. La « persona » s’est effacée pour laisser la place à l’« anima ». Ce n’est pas une histoire de maîtrise, c’est une disponibilité tranquille à garder.

« Intime Combat » Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018. Photo Bruno Aptel. Tous droits réservés.
Ces deux « solitaires solidaires » se sont reconnus de tout temps et au-delà de la forme proposée, l’Être surgit et les saisit.
Pour Michel Raji, « l’important c’est le trajet, pas le projet ». Pour arriver à la grâce, il faut échapper à la pesanteur des certitudes formatées et des formes convenues et stéréotypées. Quand on est à la fois l’objet et le sujet de sa danse, l’énergie et la vibration du mouvement passent au-delà de toute possession ou prévision et les spectateurs sont happés par « cette présence qui n’est plus représentation mais offrande ».
Ils trouvent la même disponibilité pour laisser la nature s’exprimer à travers eux. Ils inscrivent leur trajectoire dans la droite ligne des origines, de l’enfance à la nature primale du monde et Michel Raji retrouve alors ces quelques phrases qui viennent de l’héritage de ses ancêtres.
« A celui pour qui le ciel un jour s’assombrit
Qu’il demande à l’enfant pourquoi la mémoire
a laissé la place à l’oubli ». Michel Raji.
La mémoire c’est aussi celle du jaillissement créatif des années 80 qui a vu naître tout un courant de nouveaux chorégraphes, tous aussi créatifs les uns que les autres. Son importance montre la richesse et la multiplicité des talents, des écritures et des univers jaillis dans ces années-là.
Pascal Delhay et Michel Raji ont largement participé à cet élan novateur mais l’un comme l’autre se sont gardés des modes, de toute complaisance et de toute correspondance aux codes ambiants…
Ils savent que les artistes sont des catalyseurs de leur époque. Ils renvoient les gens à ce qu’ils sont et non à l’image qu’ils voudraient donner. Ils ne distraient pas mais révèlent les forces profondes et inconscientes du monde qui les traversent.
« Ne suivez pas un chemin tout tracé, mais allez où il n’y a pas de chemin et ouvrez la trace ».Ralph Waldo Emerson

« Je suis un Autre », CIAM , Université Jean Jaurès Toulouse, Toulouse 2017.
Photo François Rigal. Tous droits réservés.
Hommage de Pascal Delhay à Michel Raji
Pascal Delhay :
« En 1979 j’ai rencontré Michel de passage à Vittel, c’était au club méditerrané où je découvrais la Danse et le monde de la scène.
Ensuite nous nous sommes retrouvés à Toulouse au début des années 80 via les voies impensables du destin. Nous avons collaboré sur une de ses créations « la quête du Graal » qui fut donnée à la Halle aux grains à cette époque-là.

Michel Raji à Vittel 1979. Photo d’archive Pascal Delhay.
En 1995 nous nous sommes retrouvés pour présenter au théâtre Garonne « Les Noces du Capricorne », pièce que nous avons jouée au festival d’Avignon entre autres. Depuis j’ai invité Michel sur la création 2009 de ma compagnie Klassmute, intitulée « Un Arc-en-ciel pour l’occident chrétien », un hommage au grand poète Haïtien René Depestre.
Parler de Michel c’est donc faire un retour sur soi, tant sa présence ineffable m’a accompagné de loin en loin tout le long d’un chemin qui s’accomplit en dansant. Nous sommes reliés par cette approche instinctive et intuitive du mouvement que nous partageons. Loin des carcans contemporains et des modes actuelles, sa pratique de la Danse qu’il a nommée, non sans humour, intemporaine, parce qu’il faut bien nommer ce qui ne se reconnait pas dans ce qui l’entoure, est enracinée dans une terre, celle de l’Afrique et plus précisément du Maghreb, où vivent les Gnawas.
Sa Danse fait le pont entre notre culture axée sur la forme et celle de la terre de ses ancêtres où l’identité, au-delà des courants, des modes et des canons temporels trace une spirale dans le corps même de celui qui la reconnaît. Cette Danse est un hommage aux forces qui l’ont fait naître, elle est ancrée dans un terreau profond qui tente de nous réconcilier avec notre universalité d’Homme par-delà les limites rationnelles.
« Michel Abdeslam plonge d’instinct au cœur d’une Danse Archaïque et transcendante, une Danse du vivant qui exprime l’Homme véritable. » Pascal Delhay »
Cette danse tire sa substance de la lente et inéluctable migration de l’humanité qui passa des océans à la verticalité des Hommes bipèdes, de la boue à la station debout en quelque sorte.
Pour cela nous pouvons louer Michel Abdeslam Raji pour avoir su et pu conserver et enrichir qui plus est ce patrimoine mémoriel, ce langage parallèle aux grands courants mystiques, car cette science du bouger en toute liberté et en toute conscience ne s’apprend pas dans les écoles de danse mais est le fruit d’une quête incessante.

« Intime Combat » Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018. Photo Bruno Aptel. Tous droits réservés.
Pour être porteur de ce mouvement ancien, qui nous permet d’assister au miracle de la préservation d’un langage qui se régénère par-delà nos idéologies passagères, il faut faire preuve d’une force de caractère bien trempé, tant le mur du cynisme moderne s’oppose à toutes représentations autres que celles de son image narcissique. Car les sources du mouvement se tiennent, non pas dans des préceptes arbitraires mais dans l’expérience d’une pratique en solitaire et relié, qui va chercher dans sa retraite même, qui est méditation en mouvement, le sens de la vie des formes en gestation.

Michel Raji dans « Intime Combat » Duo Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018. Photo Bruno Aptel. Tous droits réservés.
Michel, qui plus est, a par-delà toute représentation le sens du jeu et de la dérision, de l’humaine fragilité et de ses simulacres, car comme il le sait très bien le ridicule ne tue pas il libère. C’est ainsi qu’il nous touche et atteint à la libération de toute forme.
Pascal Delhay

« Intime Combat », 2018. Duo Pascal Delhay & Michel Raji, Université Jean Jaurès, Toulouse, 2018. Photo François Rigal @Tous droits réservés.
Contact : delhaypascal@gmail.com
