PAROLES de DANSE

Textes extraits du Livre « Arbres et Nuages Dansants dans le Vent, Pratique et Poétique de la Danse Primale » de Pascal Delhay (à paraître prochainement).

Pascal Delhay, « Un Homme dans la rue », Ramonville, 2012. Photo Benoît Vettorel.

« Bienheureux

Ceux pour qui

Le mouvement

Est une immobilité de la pensée

Une conscience en mouvement»

Pascal Delhay.

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LIVRE I

Pensées Mouvantes

Ces mots s’écrivent en dansant dans la nature !

« Chacun a en lui l’image

De ce qu’il doit devenir

Tant qu’il ne l’a pas réalisé

Son bonheur n’est pas parfait »

Angélus Silesius

Ceux qui parlent du vide ont la tête pleine.

Seuls ceux qui sont vide en son plein !

La Danse Primale n’a d’autres significations ou de buts que celui de célébrer la vie en dansant !

Elle s’accomplit à chaque instant de son déroulement.

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Au commencement était la Danse

« Le ciel est la partie intérieure et profonde de l’être humain « 

Goi Masahisa

Faire du cercle une spirale, là est la véritable Danse !

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Yùgen. Photo B. Aptel.

« La Danse Primale est l’aboutissement de quarante ans de pratique qui m’y ont menés. 

     Il me faudra bien quarante ans de plus pour l’ex-primer en pleine conscience et en toute plénitude. 

Cette Danse n’est pas issue d’une culture mais de la nature même.

     Elle m’est apparue d’ailleurs dans la nature ! » Pascal Delhay

(Yùgen. Photo B. Aptel)

J’ai rencontré la Danse lorsque j’avais 17ans.
C’est en 1979, année charnière pour moi, que s’ouvrit, une nouvelle vie.
Le monde d’un coup en fut transfiguré.
Tous les dix ans une étape fut franchie :
1979 / découverte de la Danse.
1989 / Accomplissement d’un chorégraphe.
1999 / Affranchissement du geste à geste.
2009 / Épanouissement d’un homme dansant.
2019 / Entrée dans la maturité du geste libre.

Pour ex-primer ce que je ressens quant à la notion du temps, je citerais le peintre japonais Hokusaï qui dit admirablement dans son autoportrait ce que je ressens :

« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l’âge de cinquante ans, j’avais publié une infinité de dessins, Mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans ne vaut pas la peine d’être compté. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la structure de la nature vraie, des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; A quatre-vingt-dix ans je pénètrerai le mystère des choses ; A cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, Et quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. »

Hokusaï

Pour me définir je citerais, mieux que je ne pourrais le faire par mes propres mots, cette phrase tirée du film « La légende du grand judo » de Akira Kurosawa, prononcée par un bonze à propos du disciple du maitre Jigoro Kano, l’inventeur et fondateur du judo :

« Ce qui fait sa valeur, cette sincérité absolue qui confine à la naïveté. Ce n’est pas un rusé ! Il ne sait pas tricher avec lui-même. Il ne peut aller contre sa « nature » … »

     C’est toute l’histoire de ma vie !

Yùgen (Pascal Delhay). Ph Bruno Aptel.

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Extraits du livre : « Arbres et Nuages Dansant dans le Vent, Pratique et Poétique de la Danse Primale » de Pascal Delhay (à paraître prochainement) :

La danse est dans le mouvement lent des nuages, dans le vol des oiseaux, dans l’immobilité qui n’est pas de l’immobilisme.

Elle est au point repos du monde, là où tout est danse.

Elle surgit du néant et y retourne.

Les formes qu’elle prend et que lui donnent les hommes, ne sont que des aspects de sa diversité.

Danse n’est qu’un mot parmi d’autres, et ce mot ne danse pas, il n’est qu’un symbole, une idée pour définir une multitude de sensations qui n’appartiennent qu’aux corps et âmes qui les éprouvent ou les vivent en tant que témoins assistant l’action, car mille états traversent l’être en Danse, et chaque Danse est unique.

Elle est le fruit de l’instant sans passé ni avenir.

Elle naît quand la Danse et le danseur ne font qu’un.

Est la Danse qui s’oublie.

La Danse est un théâtre, une cour des miracles, trois petits tours et puis s’en vont !

L’univers est son public.

Photo Pascal Delhay

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Le Danse n’est pas une performance à accomplir, mais un avènement à vivre.

La vie est faite de petites choses, la grandeur n’est pas dans les évènements, aussi insolites ou spectaculaire soient-ils ! 

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Je danse, non pour vous plaire, mais parce que ma nature m’y incline !

99% du temps je danse sans que nul ne me voit. Ces moments sont heureux !

Quand je danse devant vous, c’est de l’ordre de l’épreuve, hormis quand la grâce me porte. 

Rare sont ces moments, car la culture est bruyante, l’art la fuit, il garde le silence. 

Trop de contraintes, d’attentes, d’enjeux, d’horaires l’étouffent. 

Pourtant je persévère, car quelque chose en moi me dit qu’il n’est pas vain d’essayer d’être soi-même face aux autres. 

Au-delà des échecs et des victoires !

La seule victoire est de ne pas abandonner, suivre sa voie. 

Malgré l’indigence du milieu culturel qui ne cultive que son image. 

Malgré les gestionnaires qui gèrent, les administrateurs qui administrent, les spolieurs qui spolient, les profiteurs qui profitent… 

Malgré tout cela, garder son cap ! 

Pour que vive la Danse ! 

Photo Pascal Delhay

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La Danse n’est pas quelque chose que j’ai appris, elle a grandi en moi, elle m’a transformée. 

Seule la pratique mène à la transformation. 

La transformation est le fruit de l’expérience.

Elle est connaissance en mouvement. 

Se connaître c’est ne plus se poser de questions mais agir. 

L’action est contemplation. 

La contemplation est sans mobile.

Agissez de par votre nature, la connaissance suivra.

La conscience est dans la respiration. Elle est mouvement. Elle va et vient, immobile.

C’est dans le souffle que siège la pratique. 

La respiration mène à la libération du mouvement. 

La Danse est une immobilité de la pensée, une conscience en mouvement.

Heureux ceux qui la pratiquent en conscience. 

Photo Pascal Delhay

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Je ne m’assois sur aucune certitude. 

Je suis ma nature contre vents et marées. 

Inutile de lutter contre le courant. 

(Pourtant nous le faisons tous !  Pas-sage obligé !) 

Je pratique en solitaire. 

Avec pour seul auditoire les êtres de la nature. 

Avec pour seuls partenaires le ciel et la terre. 

Je sors par tous les temps, les éléments m’enseignent l’humilité et la patience. 

Le regard que l’on porte sur vous, change votre rapport au mouvement. 

C’est pourquoi je pratique dans la nature, loin des regards. 

Je ne sais ni d’où elle vient, ni pourquoi elle vient ! 

La Grâce ! 

Je ne la recherche pas, elle est la bienvenue, parfois elle vient, mais souvent elle s’absente ! (C’est que je ne suis plus disponible !)

C’est dans l’oubli de soi que l’on devient soi-même. 

Là est l’obstacle ! 

Ce paradoxe est l’essence de la Danse. 

Il nous faut accepter de nous perdre pour nous découvrir. 

Réaliser c’est se réaliser. 

Le souffle est tout. 

Les yeux reflètent l’âme.

La main nous guide et touche l’invisible. 

S’oublier et re-naître !

Photo Pascal Delhay

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La Danse nul ne la détient. 

Elle est sans maître. 

Sa vérité s’adapte à chacun, mais nul ne peut la revendiquer. 

Il y a une infinité de façons de l’exprimer, mais il n’y a qu’une Danse. 

Elle se reconnaît dans celui qui s’oublie. 

Celui qui prétend l’asservir ne sait pas qu’il est son serviteur. 

Que c’est à lui de la servir. 

La Danse fuit les projecteurs, elle est sauvage et indomptable, autant chevaucher un tigre ! 

Danseur n’est pas un métier, c’est un sacerdoce, une vocation, une passion. 

Mais ce n’est pas tout ! 

Les danseurs ne sont pas la Danse. 

Elle ne leur appartient pas ! 

La Danse fait le danseur.

La Danse n’est pas un corps de métier, pas plus qu’un corps de ballet ! 

La Danse fuit les danseurs, elle leur préfère les hommes et les femmes.

C’est pourquoi je ne suis pas un danseur, mais un homme qui danse. 

Ne cherchez pas la Danse, elle vous trouvera !

Si vous la cherchez, elle vous fuira ! 

Photo Pascal Delhay

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L’homme que la Danse a trouvé est comblé. 

Chacun de nous est unique, et porteur de sa propre Danse, quand il est dansé ! 

Ce que chacun découvre et met au monde ne peut l’être que par lui-même. 

Car jamais avant lui, et jamais après lui, la vérité ne sera perçue de la même manière. 

Parce que chacun de nous est unique. Il y a des millions de vérités, et chacun peut découvrir celle qui correspond à sa nature. 

Mais une fois mis au monde cette vérité en mouvement n’impose rien, elle s’épanouit sans rechercher l’approbation. Elle ne se donne pas en spectacle ! 

Ceux qui la voit savent, les autres passent à côté, il leur reste à trouver la leur. 

Mais quand on a trouvé la sienne, on reconnaît celle des autres sans chercher à imposer notre vision. 

Au final toutes ces danses se ressemblent, puisqu’elles émanent du même centre. 

Ne pas saisir cela c’est être isolé. 

Photo Pascal Delhay

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Un jour je ne serais plus, mais cette Danse qui m’a façonné dansera encore. 

Alors vous me verrez comme vous ne m’avez jamais vu. 

Vous verrez cette Danse. Vous verrez ce que je ne peux vous montrer aujourd’hui. 

À cette heure vous ne me voyez pas, vous ne voyez que ce qui est montré. 

La Danse, « ma » Danse ne peut être vu. 

Un jour peut-être !? Quand je serais parti. 

Il faut s’en éloigner pour que vive sa Danse, la Danse de la dépossession. 

Heureux ceux qui partent, ils laissent ce qu’ils ont trouvé derrière eux. 

Et chacun peut le voir. 

Photo Pascal Delhay

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Je danse comme je courais, pour vivre le présent, et non pour aller de l’avant. 

Je courais en étant seul au monde, même parmi la foule ! 

Si ces Danses touchent quelques-uns, je n’y suis pour rien. Je n’en suis pas responsable. 

Rien de ce que je fais n’est prémédité, cela se fait, c’est tout ! 

Et ce n’est pas rien ! (Pour moi s’entend !).

J’essaie juste d’accompagner ce mouvement, si je pouvais disparaître, il pourrait s’exprimer plus librement. 

Quand je le peux, je le sens s’accomplir, il n’y a plus rien à dire. 

Je ne cesserais cette quête qu’au moment de partir. Quand on y a goûté, rien d’autre n’étanche cette soif. 

La Danse est une marche au désert, les oasis sont rares, les mirages nombreux, mais ils nous font marcher, ils nous font même courir. 

De mirage en mirage je danse de soif en soif. Jamais rassasié ! 

La Danse est au bout de la quête, elle est une eau fraîche où je m’abreuve de loin en loin. 

Plus que je ne danse, je titube, enlisé que je suis par cette marche forcée. 

Ma sueur se mêle à la poussière, tant d’efforts si peu récompensés. 

Mais je ne puis arrêter, ma vie est à ce prix.

Si j’arrête, je meurs. 

La Danse est une vacance, une porte ouverte sur notre vrai visage. 

Je danse pour voir ce visage face à face. 

Plus je m’approche, plus il m’échappe. 

Et pourtant je persévère. 

Il n’y a rien à gagner à poursuivre cette chimère, que de rares moments où l’on se sent être. 

Mais ces moments valent plusieurs vies. 

Photo Pascal Delhay

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Face contre terre, j’observe en silence. 

Le doute m’emprisonne, compagnon de longue date, je cohabite avec lui. Un jour il me quittera, un jour bientôt ! 

Ne cherchez pas à être vous-même, car il n’y a pas de nous-même, il n’y a que l’uni-vers.

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Danser en scène est une conséquence culturelle d’une contrainte économique, non un aboutissement.

La scène n’est pas l’apogée de la pratique, juste un passage obligé.

Source de confusion, de distorsion du réel.

Et parfois de la révélation.

Danser en scène est un intime Combat.

Et nul n’en ressort indemne ! 

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Danser seul dans la nature quand nul ne nous voit. Libre alors est le mouvement !

Photo Pascal Delhay

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Si ces écrits vous profitent, partagez- les, je n’écris pas pour distraire mais pour nourrir notre sol commun. 
Si ces mots vous parlent, ils parleront sans doute à d’autres. 
Ces phrases me viennent toutes seules, elles disent ce que je ne saurais exprimer autrement que par la Danse, avec amour. 
C’est un partage, non pour me donner en spectacle, mais pour éclairer cette part obscure qui brille au fond de chacun. 
Ces mots sont faits des maux que je traverse et transe-forme. Ils trahissent bien malgré moi une intimité. 
Ils feront partis d’un ouvrage que j’écris sur la Danse… 
Qui un jour peut-être verra la lumière… Comme nous tous. 
Je vous les offre, car j’y suis poussé de par notre nature commune. 
Sinon comment pourrais-je vous le dire ? Comment vous atteindre ? 
Sinon en révélant ce qui se cache ! 
À une époque exhibitionniste, où tout se diffuse sans retenue, dois-je garder ces pensées secrètes ? Faut-il se taire ou partager ? De quel ordre sont ces mots ?
Parlent-ils au nom de tous, ou reflètent-ils un désir maladif de plaire ? 
Si derrière les mots nous nous cachons, qui nous trouvera ? 
Je vous laisse y répondre ! Alors nous ne serons plus seuls ! 

Pascal Delhay.

Photo Pascal Delhay

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Sculpture et Texte Pascal Delhay

 

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Contact : delhaypascal@gmail.com